
Source : Glouzilet News Edition -- (Agence GLOUZILET) Date : 03-06-2025 22:39:50 -- N°: 46 -- Envoyer à un ai
L'Ex-Président Laurent Gbagbo et Ousmane Sonko, Premier Ministre du Sénégal.
Il y a des gestes qui valent manifeste, des visites qui marquent plus que mille discours. Profitant de sa visite officielle à Abidjan, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a tenu à rencontrer l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo — non pas par simple courtoisie, mais pour saluer une figure vivante de la lutte pour la souveraineté africaine. Il a affirmé une vision, réactivé une mémoire politique, et tendu un fil entre les combats d’hier et les batailles d’aujourd’hui. Cette visite est d’une haute portée symbolique et stratégique. Elle confirme, s’il le fallait, que le panafricanisme d’Ousmane Sonko n’est pas une posture de circonstance, mais une ligne de fond, ancrée dans l’histoire et nourrie de l’expérience des devanciers.
Il y avait, dans cette rencontre, bien plus qu’un échange protocolaire. Elle sonnait comme une conversation entre deux générations d’insoumis qui, loin de se tourner le dos, conjuguent leurs engagements. Le président Gbagbo, toujours debout dans l’arène politique, fort de son histoire de résistance aux oukases de Paris — au prix de l’emprisonnement, de l’humiliation et de la déportation — et le Premier ministre Ousmane Sonko, qui, dans un contexte nouveau, entend prolonger et renouveler le combat pour la souveraineté africaine, dans ses dimensions monétaire, militaire, économique, culturelle et politique.
En allant à la rencontre de celui que l’ancien président français, Nicolas Sarkozy a tenté de « vitrifier », le Premier ministre sénégalais ne signe pas seulement une solidarité de circonstance, il dessine un pacte de mémoire. Il montre que la nouvelle génération de dirigeants panafricains ne prétend pas réinventer l’histoire en niant celle qui l’a précédée, mais qu’elle s’en nourrit.
Laurent Gbagbo, ou l’épreuve de la souveraineté
Car Laurent Gbagbo est, pour qui veut écouter les leçons de l’histoire, un cas d’école. Son parcours raconte tout à la fois les espoirs de la démocratie africaine, les pièges de l’interventionnisme occidental et les limites d’un droit international à géométrie variable. L’acharnement judiciaire dont il fut victime, les 82 témoins à charge incapables de prouver quoi que ce soit, son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) — après près d’une décennie de détention préventive — en disent long sur ce que coûte l’insoumission dans une Afrique encore prise dans les rets de la Françafrique.
Le Président Gbagbo, c’est l’homme qui a tenté de rompre avec la tutelle française, de reconfigurer les rapports entre la Côte d’Ivoire et la France, de construire une alternative politique — école obligatoire jusqu’à 16 ans et gratuite, couverture médicale universelle, donner le pouvoir aux organisations paysannes, souveraineté économique. Le Premier ministre Sonko, en se réclamant d’une ligne souverainiste panafricaine, ne pouvait ignorer cette trajectoire.
Vers un panafricanisme de coalition
Cette visite s’inscrit donc dans une double dynamique : reconnaître la dette politique de toute une génération envers ceux qui ont ouvert la voie de la rupture, mais aussi miser sur l’expérience pour ne pas reproduire certaines impasses. Car si le Président Gbagbo a dû faire face à de violentes épreuves, tant militaires que médiatiques, c’est aussi parce que les conditions n’étaient pas encore réunies pour bâtir, à l’échelle du continent, une alliance suffisamment structurée et solidaire pour soutenir son combat. Ousmane Sonko semble l’avoir compris : d’où son ambition d’un panafricanisme institutionnalisé, solidaire et stratégique. Sa démarche n’est pas seulement sénégalaise, elle est ouest-africaine. Elle fait écho au projet de « Front populaire ouest-africain » théorisé par Pierre Sané — ancien Secrétaire général d’Amnesty International — dans une lettre adressée à Laurent Gbagbo, où il proposait de fédérer les forces progressistes de la CEDEAO autour d’une plateforme anti-impérialiste et démocratique.
La rencontre entre le Premier ministre Ousmane Sonko et le Président Laurent Gbagbo n’est pas un simple geste de courtoisie politique. C’est une mise en scène consciente de la continuité des luttes, un acte diplomatique doublé d’un message clair : il existe une autre Afrique, une Afrique debout, mémoire vive des combats passés et force d’invention pour les luttes présentes. En rendant visite au Président Gbagbo, le Premier ministre Sonko honore tous ceux que l’histoire officielle a voulu effacer, et il réaffirme que la souveraineté n’est pas un mot creux, mais une exigence quotidienne, un horizon de dignité.