
Source : Glouzilet News Edition -- (Agence GLOUZILET) Date : 26-09-2025 23:38:23 -- N°: 119 -- Envoyer à un ai
Le Pont de Cocody constitue l’un des plus grands ponts haubanés d’Afrique. Il relie Cocody au Plateau d'Abidjan.
Le 12 août 2023, après 4 ans de travaux, ce pont a été inauguré par le Président Alassane Dramane Ouattara.
Le concept de Développement Humain est apparu dans les années 1990, parallèlement à celui de Développement Économique. Ces deux concepts sont intimement liés. Le premier considère que le bien-être des Hommes ne se résume pas seulement à l'économie, à leurs revenus aux infrastructures que l’État met à leurs dispositions. Chaque année, le Rapport mondial sur le Développement Humain du Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD), donne justement des indications scientifiques sur l’évolution de l’Indice de chaque pays. Le concept de Développement Humain qui pour d’autres, cherche à inclure le bien-être social, et pour certains, le bonheur dans l’appréciation du Développement économique, s'appuie sur la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
En effet, dans le premier article de la Déclaration sur le droit au Développement de l'Assemblée Générale du 4 décembre 1986 [i] , l'ONU déclare ce qui suit : « Le droit au Développement est un droit inaliénable de l'Homme en vertu duquel, toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un Développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l'Homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés et de bénéficier de ce Développement ».
Il faut ajouter à cette définition, celle du PNUD. Pour cette Organisation mondiale « Le principal objectif du Développement Humain, est d'élargir la gamme des choix offerts à la population, qui permettent de rendre le Développement plus démocratique et plus participatif » . Ces choix doivent comprendre des possibilités d'accéder aux revenus et à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé et à un environnement propre et sécurisé. Les populations doivent également avoir la possibilité de participer pleinement aux prises de décisions concernant le Développement de leurs pays et de jouir des libertés humaines, économiques et politiques.
La théorie du Développement Humain a pour fondement les recherches de l’économiste américain Amartya Kumar Sen.
Dans la littérature sur le Développement Humain, le principal théoricien reste indubitablement Amartya Kumar Sen . C’est un économiste et philosophe américain, d’origine indienne, spécialiste des problématiques de la pauvreté et du Développement. Ce chercheur renommé qui enseigne actuellement à Harvard aux Etats-Unis d’Amérique, a reçu le prix Nobel d’Économie en 1998 pour « sa contrbution à l’économie du bien-être ».
Il faut noter que dès la fin des années 1960, les principales publications d’ Amartya Kumar Sen ont porté sur la théorie du choix social, prolongeant ainsi les travaux de Kenneth Arrow qui a montré que les procédures de choix collectifs (comme dans le vote ou sur le marché) ne peuvent satisfaire les critères de démocratie (théorème d’impossibilité d’Arrow). Autrement dit, l’intérêt général ne peut être défini à partir de la simple agrégation des préférences des individus : la décision au niveau collectif doit être imposée. Pour atteindre aujourd’hui leur niveau de Développement, la Russie, la Chine et bien d’autres pays, ont imposé leurs choix avec un « Dirigisme d’État », quelques fois au détriment des Droits humains. Pour exemple, en Chine, depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping en mars 2013, il apparaît clairement que la convergence avec les modèles de Développement occidentaux, a cessé et qu’à la place, a émergé depuis, un mode particulier de Capitalisme d’État, dirigé par le puissant Parti Communiste Chinois (PCC).
Rappelons que le théorème d'impossibilité d'Arrow qui pourrait expliquer théoriquement ce choix, également appelé « paradoxe d'Arrow » (du nom de l'économiste américain Kenneth Arrow), est une confirmation mathématique, dans certaines conditions précises, du paradoxe soulevé et décrit dès 1785 par Nicolas de Condorcet [ii] . Supposons que chaque électeur ne puisse exprimer ses opinions que de manière qualitative, en indiquant comment il classe les unes par rapport aux autres les options envisagées. Entre deux options de programmes de Développement, l'électeur indique celle qu'il préfère ou s'il est indifférent aux deux, par contre il ne peut pas exprimer l'intensité de sa préférence.
Dans ce cadre, pour Condorcet, il n'existe pas de processus de choix social indiscutable, qui permette d'exprimer une hiérarchie des préférences cohérente pour une collectivité à partir de l'agrégation des préférences individuelles exprimées par chacun des membres de cette même collectivité. En d’autres termes, pour lui, il n'existe pas de système simple assurant cette cohérence. Arrow tente de démontrer, sous réserve d'acceptation de ses hypothèses, qu'il n'existe pas du tout de système assurant la cohérence, hormis celui où le processus de choix social, coïncide avec celui d'un seul individu, parfois surnommé « Dictateur », indépendamment du reste de la population [iii] .
L’économiste et philosophe américain , Amartya Kumar Sen, part du théorème d'Arrow qui énonce que, sous certaines hypothèses, il est impossible de trouver une procédure de choix collective et rationnelle qui agrège les préférences individuelles [iv] . Parmi ces hypothèses, trois sont particulièrement importantes : L'ordinalité (on ne fait que classer des préférences sans mesurer leur intensité) ; l'universalité des préférences (toutes les préférences sont possibles) ; le refus des comparaisons interpersonnelles d'utilité (on ne peut donc pas compenser une baisse d'utilité d'un individu par la hausse d'utilité d'un autre).
Le Développement Humain, va au-delà des seuls aspects économiques et monétaires.
Amartya Kumar Sen s’est efforcé de montrer que le problème posé par le théorème d’impossibilité réside dans le cadre d’analyse utilisé par Arrow. Ce cadre est extrêmement étroit : La seule information mobilisée pour prendre une décision au niveau collectif, est le classement individuel des différentes options proposées. Selon Samuel Ferey et Françoise Pichon-Mamère, le prix Nobel 1998 promeut donc « une théorie du choix social [v] » qui prenne en considération des éléments autres que la seule utilité des individus et permette la prise en compte des enjeux de justice sociale et de redistribution des revenus. Pour lui, les inégalités entre les individus ne s’apprécient pas au regard de leurs seules dotations en ressources de toutes sortes, mais de leurs capacités à les convertir en libertés réelles.
Il introduit ainsi la notion de « capabilités » qui invite à considérer la pauvreté et le Développement Humain, au-delà des seuls aspects économiques et monétaires et à les penser en termes de libertés d’action, de justice, de capacités à faire et de bien-être. A Abidjan pour exemple, des Ivoiriens disent : « Qu’on ne mange pas pont ». Cette belle métaphore est l’illustration complète de la théorie du Développement Humain. Le Développement ne se résume pas seulement aux ressources et à la réalisation de routes et de ponts. Il va bien au-delà du visuel infrastructurel et des slogans politiques égoïste, hypocrites et agressifs qui ont pour seuls objectifs visibles, le maintien à tout prix au pouvoir de leurs auteurs, loin de la justice sociale et de la bonne gouvernance.
Dans son ouvrage « Un nouveau modèle économique. Développement, Justice, Liberté », Amartya Kumar Sen soutient la thèse selon laquelle, il n’y a de Développement que par et pour la liberté des êtres humains. Pour lui, la tyrannie, l’absence d’opportunités économiques, l’inexistence ou la faiblisse des services publics notamment des hôpitaux, le communautarisme voire le tribalisme, l’intolérance et l’injustice, sont autant d’entraves à la liberté individuelle. Sa théorie a toutefois fait l’objet de critiques, notamment car elle ne propose aucune liste des « capabilités [vi] » de base. L’influence des études du prix Nobel d’économie 1998, s’est traduite par la création de l’Indice de Développement Humain (IDH) par le PNUD en 1990. Cet Indice permet d’effectuer des comparaisons internationales en termes de Développement. L’IDH correspond donc à un Indice calculé chaque année par le PNUD afin d’évaluer le niveau de Développement des pays en se fondant, non pas sur des données strictement économiques et monétaires, mais sur la qualité de vie et la liberté de leurs populations. L’IDH combine trois donc facteurs ou « capabilités » considérées comme essentielles :
L’IDH se présente sous la forme d’un nombre situé entre zéro et un (0 et 1), ce dernier chiffre symbolisant le niveau le plus élevé. Pour rappel, cet indicateur créé en 1990 est désormais préféré au revenu par habitant qui apparaît aujourd'hui comme trop réducteur pour évaluer le niveau de Développement d’un pays. L’importance accordée à l’IDH repose sur l’idée que la liberté des hommes et des femmes d’un pays, dépend du Développement Humain. Quatre autres indices ont été créés pour affiner la perception du niveau de Développement d’un pays :
Rang (Afrique) |
Pays |
Rang (Mondial) |
Catégorie (IDH) |
1 |
Maurice |
63 |
Très élevé (0,802) |
2 |
Seychelles |
72 |
Elevé |
3 |
Algérie |
91 |
Elevé |
4 |
Egypte |
97 |
Elevé (0,731) |
4 |
Tunisie |
97 |
Elevé (0,731) |
6 |
Libye |
104 |
Elevé (0,718) |
7 |
Afrique du Sud |
109 |
Elevé |
8 |
Gabon |
112 |
Elevé (0,693) |
9 |
Botswana |
117 |
Moyen |
10 |
Maroc |
123 |
Moyen |
11 |
Cap-Vert |
128 |
Moyen |
12 |
Ghana |
133 |
Moyen |
13 |
Sao Tomé-et-Principe |
138 |
Moyen |
14 |
Namibie |
139 |
Moyen |
14 |
eSwatini |
144 |
Moyen |
16 |
Guinée Equatoriale |
145 |
Moyen |
17 |
Zimbabwe |
146 |
Moyen |
18 |
Angola |
148 |
Moyen |
19 |
Cameroun |
151 |
Moyen |
20 |
Kenya |
152 |
Moyen |
21 |
Congo |
153 |
Moyen |
21 |
Zambie |
154 |
Moyen |
23 |
Comores |
156 |
Moyen (0,586) |
24 |
Mauritanie |
158 |
Faible (0,540) |
25 |
Côte d’Ivoire |
159 |
Faible (0,534) |
26 |
Tanzanie |
160 |
Faible (0,532) |
26 |
Togo |
162 |
Faible |
28 |
Nigeria |
163 |
Faible |
29 |
Rwanda |
165 |
Faible |
30 |
Bénin |
166 |
Faible |
30 |
Ouganda |
166 |
Faible |
32 |
Lesotho |
168 |
Faible |
33 |
Malawi |
169 |
Faible |
34 |
Sénégal |
170 |
Faible |
35 |
Djibouti |
171 |
Faible |
36 |
Soudan |
172 |
Faible |
37 |
Madagascar |
173 |
Faible |
38 |
Gambie |
174 |
Faible |
39 |
Ethiopie |
175 |
Faible |
39 |
Erythrée |
176 |
Faible |
41 |
Guinée Bissau |
177 |
Faible |
42 |
Liberia |
178 |
Faible |
43 |
RDC |
179 |
Faible |
44 |
Sierra Léone |
181 |
Faible |
45 |
Guinée |
182 |
Faible |
46 |
Burkina Faso |
184 |
Faible |
46 |
Mozambique |
185 |
Faible |
48 |
Mali |
186 |
Faible |
49 |
Burundi |
187 |
Faible |
50 |
Centrafrique |
188 |
Faible |
51 |
Niger |
189 |
Faible |
52 |
Tchad |
190 |
Faible |
53 |
Soudan du Sud |
191 |
Faible (0,383) |
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La plupart des données utilisées pour calculer l'IDH proviennent d'agences des Nations Unies, comme le Département des Affaires Sociales et Économiques (DEAS) ou d'Organisations internationales telles que l'UNESCO, la Banque mondiale, le FMI et l'OCDE. Ces données permettent donc de comparer les IDH de 193 pays au monde depuis 1990.
Comme on le voit sur le tableau plus haut, l’Île Maurice domine ce classement avec un IDH de 0,802. L’Égypte et la Tunisie sont à la 4 ème place, avec un IDH de 0,731. La Libye (0,718), l’Afrique du Sud (0,713), le Gabon (0,706), le Botswana (0,693), le Maroc (0,683), et Le Cap Vert (0,662) arrivent ensuite dans ce classement. Il faut noter que selon les Nations Unies, les IDH compris entre 0,55 et 0,70, indiquent un Développement Humain moyen, tandis que ceux compris entre 0,70 et 0,80 correspondent à Développement élevé.
La Côte d’Ivoire, notre riche et beau se trouve encore malheureusement dans la tranche des pays au Développement Faible avec un IDH de 0,534 malgré son taux de croissance économique de 6,4 % (Banque Mondiale 2023). Selon l’ONU, la Suisse, avec un IDH de 0,962, est le pays le plus développé du monde. Elle devance la Norvège (0,961) et l’Islande (0,959). Le rapport 2024 du PNUD, place la France à la 28 ème position au monde en terme d’IDH avec un score de 0,910. Les Etats Unis occupent la 21 ème place avec un IDH de 0,921 .
En conclusion, l'indice de Développement Humain (IDH) est utilisé comme un instrument de mesure scientifique essentiel pour évaluer les progrès des pays en matière de Développement. Il s'appuie sur des indicateurs clés, notamment l’espérance de vie, le taux d’alphabétisation, l’accessibilité à Internet et l’égalité des revenus. D’autres critères font également partie de cette classification, notamment, l'efficacité et la stabilité politique, la bonne gouvernance, la disponibilité d'emplois rémunérateurs, l'accès aux soins de santé et à des services sociaux de premier plan, les libertés individuelles et un système éducatif performant. L’IDH est devenu aujourd’hui un instrument incontournable et complet pour situer le niveau de Développement d’un pays.
[i] Le 4 décembre 1986, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration sur le droit au développement, dans laquelle elle a réaffirmé certains des principes fondamentaux énoncés dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme : la paix et la sécurité internationales ; la coopération internationale pour le développement ; la liberté et l’égalité en dignité et en droits de tous les êtres humains dès la naissance.
[ii] Le paradoxe de Condorcet (1785) qui vient de Nicolas de Condorcet, dit qu'il est possible, lors d'un vote où l'on demande aux votants de classer trois propositions (A, B et C) par ordre de préférence, qu'une majorité de votants préfère A à B, qu'une autre préfère B à C et qu'une autre préfère C à A. Les décisions prises à une majorité populaire par ce mode de scrutin ne sont donc pas, dans ce cas, cohérentes avec celles que prendrait un individu supposé rationnel, car le choix entre A et C ne serait pas le même selon que B est présent ou non.
[iii] Lengaigne Benoît, Postel Nicolas, « Arrow et l'impossibilité : une démonstration par l'absurde », Revue du MAUSS , 2004/2 (n o 24), p. 388-410. DOI : 10.3917/rdm.024.0388. URL : https://w…
[iv] Samuel Ferey, Françoise Pichon-Mamère, « Sen Amartya Kumar (1933- ) », Encyclopædia Universalis. Samuel Ferey est enseignant-chercheur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne et Françoise Pichon-Mamère est maître de conférences, université Paris-Sorbonne
[v] Le choix social a pour objet la sélection d’options par un groupe d’individus (d’une manière quasiment équivalente, on peut également interpréter le choix social comme un choix individuel dans le cas de critères multiples, les critères correspondant alors aux individus et l’individu à la société). On étudié en particulier les procédures de sélection soit d’une manière abstraite (les fonctions d’agrégation, les fonctions de choix etc ...), soit d’une manière relativement pratique (les procédures ´électorales).
[vi] Théories des capabilités : Selon Amartya Kumar Sen, il faut non seulement prendre en compte ce que possèdent les individus, mais aussi leur capacité, leur liberté à utiliser leurs biens pour choisir leur propre mode de vie. Les principaux concepts de cette théorie sont ceux de « modes de fonctionnement » et de « capabilités » ou « capacités ». Les premiers sont ce qu’un individu peut réaliser étant donné les biens qu’il possède (se nourrir suffisamment, se déplacer sans entraves, savoir lire et écrire) – cela décrit donc son état –, alors que les secondes sont les différentes combinaisons possibles des premiers, pour un individu. Une capabilité est donc un vecteur de modes de fonctionnement exprimant la liberté, pour un individu, de choisir entre différentes conditions de vie.
Docteur Ben ZAHOUI-DÉBOU, Enseignant-Chercheur en Commerce International. Université EENI Global Business School, (Investissements Directs Étrangers - IDE - et Développement). Mastérant en Théologie, Institut de Théologie BIBLEDOC, P.O. Box 118 Stafford, VA - USA