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Source : Glouzilet News Edition -- (Agence GLOUZILET) Date : 09-10-2025 22:42:53 -- N°: 129 -- Envoyer à un ai
Les cinq candidats retenus pour la Présidentielle de 2025 en Côte d'Ivoire.

Les poids lourds de l'Opposition, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam ont été déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel.
Alors que la campagne électorale devrait être le théâtre des grandes idées et de la conquête du peuple, les principaux candidats de l’opposition semblent prisonniers d’un immobilisme déroutant. Entre justifications timides, absence de propositions claires et brouilles stratégiques, Lagou, Don Mello, Simone Gbagbo et Billon laissent le champ libre à Ouattara. Et le Président de la République a raison d’en profiter. Pis encore, leurs positionnements ambigus vis-à-vis de Gbagbo et Thiam les coupent de leurs bases naturelles. L’échec s’annonce, et ce n’est pas une fatalité, mais une construction. La campagne présidentielle actuelle ressemble davantage à une traversée en eaux tièdes qu’à un affrontement politique.
Les candidats de l’opposition – Lagou, Don Mello, Simone Ehivet Gbagbo, Billon – ne mènent pas campagne ; ou du moins, pas une campagne à la hauteur de l’enjeu. Leur présence se limite à quelques apparitions convenues sur les plateaux de la RTI, NCI ou Life TV. Des formats aseptisés, habituellement réservés aux sorties d’albums, de livres, ou aux prestations de Jean-François Kouassi, alias JFK; le candidat des jeunes.
Rien qui ne bouleverse le statu quo, rien qui ne provoque l’adhésion. Au lieu d’entrer dans l’arène pour proposer une vision alternative et crédible, ils consacrent leur temps à justifier leur candidature. Comme s’il leur suffisait d’être « retenus » sur la liste pour s’enorgueillir de faire campagne. Cette absence de dynamisme stratégique interroge : que proposent-ils pour faire vaciller Ouattara, l’actuel président ? Et donner de la vitalité à la cité ivoirienne.
Que disent-ils pour rallier une nation en attente de rupture ?
Une opposition qui ne s’oppose pas Le paradoxe est frappant. Ces figures, jadis vues comme issues ou proches des bastions politiques forts – le FPI pour Simone et Don Mello, le PDCI pour Billon – semblent aujourd’hui s’en détacher sans proposer d’alternative claire. Billon cherche à puiser dans l’électorat de Thiam, sans s’inscrire dans la ligne de ce dernier. Don Mello et Simone lorgnent du côté du Gbagboïsme tout en s’en écartant sur des points cruciaux.
Aucun de ces candidats n’a jamais été l’adversaire direct de Ouattara au sein d’un scrutin. Ils sont devenus candidats, non pas contre le pouvoir, mais contre d’anciens compagnons. De la à dire qu’ils sont là pour légitimer l’élection de Ouattara, il n’y qu’un pas que certains franchissent allègrement. Ce n’est donc pas un hasard si la campagne ne prend pas. Elle repose sur des lignes floues, des ruptures non assumées, et une logique plus défensive qu’offensive.
La parole politique est creuse car elle ne s’adresse pas au cœur du problème : pourquoi faudrait-il leur faire confiance pour gouverner ? Que feraient-ils différemment ? Comment pensent-ils renverser Ouattara sans le défier frontalement ? Une parole dissonante et contre-productive La récente sortie de Blé Goudé illustre cette dissonance. Par une métaphore mal inspirée sur le carton rouge de Didier Drogba, il semble vouloir relativiser l’absence de Gbagbo, tout en justifiant la poursuite du « match » politique. Mais cette image est malvenue, voire provocatrice. Elle n’unit pas : elle divise. Elle semble viser l’électorat fidèle à Gbagbo tout en espérant qu’il transfère sa loyauté à Simone Gbagbo – une contradiction stratégique majeure.
Pire encore, quand Blé Goudé affirme que « décrier la liste électorale n’a plus de sens », il contredit la ligne politique jadis défendue par Simone elle-même.
Il neutralise ainsi un des rares leviers contestataires encore actifs. Cette incohérence affaiblit la posture de l’opposition. Des candidatures sans colonne vertébrale Les candidatures actuelles donnent l’impression qu’avoir été retenu sur la liste électorale constitue une victoire suffisante. Le but final de leur combat politique. Or, après la bataille juridique et administrative, commence celle des idées. La précampagne, celle qui façonne l’opinion, est souvent plus décisive que la campagne officielle. Et dans cette phase, ce sont des non-candidats – Thiam et Gbagbo – qui occupent l’espace politique et médiatique. Ce sont eux les vrais adversaires de Ouattara, les seuls à cristalliser une attente populaire. Pendant ce temps, les autres semblent plus préoccupés par leur positionnement personnel que par un véritable projet de conquête du pouvoir. Ils se montrent incapables de rompre avec les querelles intestines ou les calculs partisans.
Don Mello et Simone Gbagbo, pourtant vétérans de la scène politique, semblent piégés dans une logique de revanche ou de survie politique, sans vision claire pour le pays. Ah ! Que ne regrette-t-on pas l’époque où chaque prise de parole de Thiam sur les échecs sociaux -l’IDH, l’espérance de vie- du pays faisait réagir le pouvoir.
Le 11 octobre, la date que tout le monde attend.
C’est pourquoi l’attention se détourne progressivement de la campagne électorale pour se fixer sur un autre événement : la marche du 11 octobre, annoncée par les camps Gbagbo et Thiam. Elle incarne une forme de résistance plus authentique, plus populaire, et potentiellement plus dangereuse pour le régime. Elle capte l’énergie militante que les candidats « officiels » n’arrivent pas à canaliser. Et rend leur présence encore plus fade, plus secondaire.
Ouattara, lui, ne semble pas inquiet. Au contraire : il pourrait souhaiter que ces candidatures fragmentées engrangent quelques pourcentages, histoire de légitimer un scrutin vidé de sa substance. Un « pluralisme » de façade, mais un plébiscite en réalité. Le paysage politique ivoirien vit une étrange contradiction : l’opposition existe, mais elle ne s’oppose pas. Elle est présente sur la scène électorale, mais absente du débat public. Face à un pouvoir qui maîtrise le terrain et les rouages, les challengers devraient être audacieux, structurés, porteurs d’espoir. Or, ils s’enlisent dans les calculs, les postures et les regrets. Ils ont perdu le lien avec leur base, et par là, avec leur propre légitimité.
Alex KIPRÉ