Simone Éhivet Gbagbo, Ahoua Don Mello, Jean-Louis billon, et Henriette Lagou Adjoua et Alassane Dramane OuattaraLes cinq

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Cher(e)s compatriotes,

Je vous écris cette lettre ouverte en espérant qu’elle sera largement diffusée jusqu’à vous parvenir et que vous la lirez effectivement, calmement, sans a priori, jusqu’au bout. Hier, samedi 11 octobre 2025, premier jour de la campagne électorale, les partisans de l’opposition et autres patriotes épris de paix et de justice, qui manifestaient contre l’injustice et l’arbitraire du régime au pouvoir ont été réprimés sans ménagement par les forces de l’ordre de notre pays.

En effet, durant des heures, les forces de l’ordre, déployées en grand nombre (un dispositif exceptionnel) depuis la veille, ont arrêté, manu militari, manifestants et passants dans les quartiers de Saint-Jean et Blockhaus de la commune de Cocody, où était prévue la Marche. Toute tentative de regroupement a été immédiatement empêchée par des tirs de gaz lacrymogènes et des charges de policiers et de gendarmes dans les villes de l’intérieur comme à Abidjan.

Des journalistes ont été molestés; certains ont vu leurs matériels confisqués; d’autres se sont vus contraints de supprimer leurs prises de vue. 237 personnes ont été interpellées, selon le Ministre de l’Intérieur, qui a parlé d’« irresponsabilité » des manifestants, etc. Il y aurait eu au moins deux morts… Cependant, à Daloa (Centre-Ouest), les militants du RDR-RHDP assistaient, dans l’euphorie, avec tambours et trompettes, au premier meeting de campagne du président sortant, Alassane Ouattara qui à 83 ans est candidat à sa propre succession pour un 4e mandat. Nous avons tous vu, que pour ce premier meeting du candidat sortant, à Daloa, des moyens colossaux, massifs, ont été déployés en toute indécence et avec démesure, dans une ambiance surchauffée, festive, en nette disproportion avec les moyens dont vous, les quatre (4) autres candidats retenus, disposez, notamment des moyens maigres, du moins à notre connaissance.

Alassane Ouattara et le RDR-RHDP n’entendent surtout pas perdre ni le scrutin, ni la face, devant n’importe quel candidat et quel que soit le taux de participation. De ce point de vue, le constat est clair : fort des moyens du pouvoir, de la mainmise sur les caisses de l'État et ayant reçu des dons substantiels de certains “bienfaiteurs” zélés et opportunistes,  Alassane Ouattara et le RDR-RHDP se veulent visiblement une machine broyeuse et puissante qui va sûrement en roues libres pour décrocher un 4e mandat (fût-il anticonstitutionnel!), pour se maintenir au pouvoir, vaille que vaille, sauvegarder leurs fortunes et leurs positions, et continuer à nous narguer. Sans honte. Sans état d'âme. Sans élégance aucune…

Cher(e)s compatriotes,

Hier, samedi 11 octobre 2025, nous avons tous vu et/ou suivi, en direct sur les réseaux sociaux et/ou au journal télévisé de 20h, vos campagnes à vous, Simone EHIVET GBAGBO, AHOUA Don Mello, Jean-Louis BILLON et Henriette LAGOU ADJOUA.
Des campagnes en demie teinte. Et pourtant, nous ne sommes qu’au debut !

Souffrez que je vous dise que je fais partie des milliers, voire des millions, de nos compatriotes qui estiment que, franchement, ça manque de piment et autres condiments, de saveur, de dynamique palpitante, parfois même de paroles fortes pour nous enjailler, pour booster le taux de participation, pour nous convaincre de vous suivre, de vous soutenir dans ce choix que vous avez fait et qui, à notre analyse, semble une tartufferie bien orchestrée pour accompagner astucieusement le président sortant et lui servir, purement et simplement, de faire valoir, comme le sieur KKb en 2020. Nous nous en souvenons toujours.

Tous les prétextes et raisonnements sonnent faux, frisent parfois le ridicule ou l’absurde et ne peuvent nous persuader que c’est par la voie des urnes que, dans une compétition perdue d’avance, nous obtiendrons la victoire du changement. Non !

Souffrez que je vous dise aussi que je fais partie des milliers, voire des millions, de nos compatriotes qui sont tristes, malheureux de constater que des personnalités honorables comme vous, vous semblez ne pas comprendre que les marches de l'opposition, du Front Commun (PDCI-RDA /PPA-CI), de la société civile…, en cours depuis hier samedi 11 octobre 2025, c’est un combat patriotique pour la libération de notre pays, pour le respect de notre Constitution, pour des élections démocratiques, pour la souverainété, pour la dignité...

Cher(e)s compatriotes,

Notre vieux père, Félix Houphouet-Boigny, dans sa sagesse nous recommande d’avoir, en toutes circonstances, une saine appréciation de la politique, ainsi que la force et l’énergie nécessaires de nous “élever au-dessus des contingences immédiates et matérielles, de nous comporter en êtres pensants”.

Cher(e)s compatriotes,

Vous n’ignorez pas que “Errare humanum est” (l’erreur est humaine), dit-on. Et si donc, erreur d’appréciation ou d’analyse il y a eu, il n’est pas trop tard pour quitter cette voie sans issue. Laquelle voie n’honore pas les honorables et respectables citoyens que vous êtes. Laquelle voie pourrait compromettre vos avenirs politiques, comme ce fut les cas de bien d’autres avant vous.

Cher(e)s compatriotes,

S’il vous plaît, revenez dans le combat pour obtenir des réformes électorales, avant qu’ait lieu l’élection présidentielle de notre pays, dans des conditions favorables. Entre nous, vous ne pouvez pas continuer à nous inviter à aller voter le 25 octobre, alors que, comme disait hier Madame Simone Ehivet Gbagbo, « Le système électoral actuel en Côte d’Ivoire demeure encore et toujours une source majeure des conflits », alors que la liste électorale « ne reflète pas la réalité du corps électoral », avec l’indépendance « sujette à caution » de la commission électorale, au total avec un processus électoral complètement « biaisé », (ces phrases sont extraites de la déclaration lue par Simone Ehivet Gbagbo, le 21 septembre 2024, à Bonoua).

S’il vous plaît, revenez, quel que soit le prix. Quels que soient nos ressentiments. Quelles que soient nos ambitions personnelles. Revenez dans le combat. Ce combat, nous ne le menons pas pour un homme, ni pour un parti. C’est notre combat à nous les Ivoiriens, patriotes, qui refusons l’injustice, la confiscation du pouvoir, le mépris du peuple. C’est notre combat à nous les Ivoiriens qui refusons de souffrir, de mourir, d’être emprisonnés en flagrante violation de nos droits et libertés, de sous-vivre sur la terre de nos ancêtres... C’est notre combat à nous les Ivoiriens qui ne voulons plus subir les arrestations, enlèvements, intimidations, manipulations et autres dérives du pouvoir. C’est notre combat à nous les Ivoiriens qui rêvons d’une Côte d’Ivoire libre et juste. Je ne doute pas que vous en êtes. En vous remerciant d’avoir lu cette lettre jusqu’au bout, et d’en avoir saisi la substance, je vous prie de recevoir mes sincères et patriotiques salutations. Sans rancœur  ni rancune.

Léandre SAHIRI (Docteur ès Lettres, enseignant-chercheur, écrivain). Merci de partager et de donner votre avis.